Le recours à la nudité comme moyen de protestation n’est pas une nouveauté au Sénégal ni ailleurs en Afrique. Depuis des générations, des femmes ont utilisé ce geste symbolique pour exprimer leur indignation face à l’oppression et pour réclamer justice. Loin d’être une simple provocation, il s’agit d’un acte porteur de sens, mettant en avant le corps féminin comme un espace de dignité, de pouvoir et de lutte.
Le 16 décembre dernier, un visuel circulant sur les réseaux sociaux annonçait un « Sit-In Freedom Day » avec un dress code inattendu : « Nue/Tatounen ». Ce visuel portait également des messages forts tels que « contre la culture du viol » et « pour l’application du Protocole de Maputo ». Pourtant, l’attention s’est rapidement détournée des causes défendues pour se concentrer sur la mention de nudité, alimentant une polémique qui a éclipsé l’objectif principal de cette mobilisation. Le sit-in, finalement interdit par le Préfet, n’a jamais eu lieu.
Cette réaction pose des questions profondes sur les dynamiques sociales au Sénégal. Pourquoi une société réagit-elle avec une telle indignation face à une forme de protestation tout en restant largement indifférente aux violences qu’elle prétend dénoncer ? Pour mieux comprendre, il est utile de se replonger dans l’histoire où des actes similaires ont marqué les luttes sociales.
En Casamance, lors du conflit armé, les femmes diolas ont utilisé leur nudité comme un cri de révolte contre l’injustice. Ce geste, enraciné dans leurs croyances spirituelles, symbolisait une malédiction dirigée contre leurs oppresseurs.
Dans les années 1940, les femmes sérères de Joal ont défié l’ordre colonial en se dénudant pour protester contre des taxes injustes sur le mil. Cet acte audacieux traduisait leur refus catégorique de l’exploitation. Plus récemment, en 2001, les femmes mandingues se sont mobilisées contre les compagnies minières qui polluaient leurs terres, rappelant à travers leur nudité que leurs droits fondamentaux étaient bafoués.
Ces actes ne sont pas isolés. D’autres exemples viennent renforcer cette tradition de protestation féminine : en Côte d’Ivoire, en 1949, des femmes se sont dénudées pour exiger la libération de leurs proches emprisonnés. En 1992, au Kenya, des mères de prisonniers politiques ont fait de même pour contraindre les autorités à écouter leurs revendications.
Un sit-in tatounen au Sénégal s’inscrirait dans cette continuité historique, rappelant les luttes passées tout en soulignant l’urgence d’agir contre les violences faites aux femmes. Pourtant, au lieu d’encourager ce débat nécessaire, l’indignation sociale s’est focalisée sur la nudité elle-même, révélant une hypocrisie profonde. Pourquoi sommes-nous plus dérangés par une forme de protestation pacifique que par les injustices qu’elle dénonce ?
Certains ont qualifié cette initiative d’« importée » ou d’« étrangère », ignorant les racines africaines de ce geste. La nudité comme outil de résistance est une pratique profondément ancrée dans les traditions du continent, utilisée pour défier les structures d’oppression et revendiquer des droits.
Le corps des femmes, souvent contrôlé ou jugé par la société, aurait été mis au centre d’une revendication essentielle : il n’est pas un objet, mais un espace de dignité et de pouvoir. Un sit-in de ce type aurait exposé les hypocrisies d’une société qui condamne davantage les moyens de dénonciation pacifique que les violences systémiques elles-mêmes.
Bien que ce sit-in n’ait pas eu lieu, il soulève des questions fondamentales. Pourquoi un tel déferlement de débats sur la nudité et si peu d’efforts pour lutter contre les violences faites aux femmes ? Il est temps de rediriger notre indignation vers ce qui compte vraiment : bâtir une société où chaque femme peut vivre en sécurité, où chaque corps devient un symbole de justice et de liberté.
→ A LIRE AUSSI : « Awma amour si mom, té souniou jour lune de miel… » : Ousseynou, le mari de Aissata Penda vide son sac (vidéo)
→ A LIRE AUSSI : People : Le vrai nom de Faynara enfin dévoilé !
→ A LIRE AUSSI : Gros coup dur pour Maïmouna Ndour Faye !
'