Les derniers évènements socio-politiques survenus au Sénégal dans l’affaire Ousmane Sonko – Adji Sarr ont été l’occasion de marquer à nouveau des jugements négatifs sur la justice. Chose que regrette l’ancien Procureur Spécial près la Cour de répression d’enrichissement illicite, Alioune Ndao. En effet, selon lui cela montre à suffisance l’existence d’une crise au sein de la magistrature et dans les dossiers qui intéressent l’exécutif la justice n’assure pleinement pas son devoir d’indépendance.
« Nous sommes tous d’accord que oui avec les derniers événements survenus dans le pays, la justice sénégalaise a traversé et traverse encore l’une des pires crises de son histoire. De mémoire, cette justice n’a jamais été aussi attaquée, vilipendée et discréditée lors de ces événements. C’est la première fois que des attaques physiques portant sur des juridictions ont eu lieu au Sénégal. Mais comme on le dit y’a jamais de fumée sans feu. Et comme l’a dit certains qui sont passés avant moi il y’a un réel manque de confiance entre la justice et le justiciable. C’est une preuve de cécité en essayant de nier ça. Lors du dernier symposium on parlait de malaise au sein des magistratures. Malheureusement certains magistrats qui étaient présents ont essayé de nier l’existence de ce malaise. Maintenant on est plus au stade du malaise, on est au stade de la crise », a déploré ce jeudi le magistrat à la retraite, lors d’un atelier organisé par l’Union des magistrats du Sénégal, sur la réflexion d’ « Etat de droit et Indépendance de la justice : enjeux et perspectives de réformes ».
Pour le magistrat « il est temps que les acteurs de la justice se rendent compte dans quelle situation est la justice sénégalaise. Car à force de bander les yeux, et de refuser de regarder la réalité, la situation s’empire davantage ».
L’ancien Procureur de la CREI indique par cette présente occasion, que c’est dans les dossiers qui intéressent l’exécutif que la justice n’assure pas pleinement son devoir d’indépendance. « Et le reproche récurrent est que dans le traitement de certains dossiers importants et qui intéressent le pouvoir exécutif, la justice n’a pas su assurer pleinement son devoir d’indépendance à l’endroit de ce dernier. A dire vrai, le plus souvent est fondé. Et sur ce plan-là, il arrive que la justice manque à son devoir d’indépendance. Pas tout le temps, parce qu’il y a une centaine de dossiers qui sont traités en toute indépendance, en toute sérénité en toute transparence. Mais comme l’avait dit quelqu’un à Assane Dioma Ndiaye ce sont les 5% qui constituent le nombre de dossiers importants du volume d’affaires traitées dans les juridictions. Et Assane Dioma Ndiaye avait répondu que les 5 % sont ceux qui sont dans les chars de combat avec les policiers et se lancent des lacrymogènes dans la foule. Et ces 5 % qu’on le veuille ou non constituent la figure de la justice parce que c’est dans ces dossiers qu’on voit en la justice une attitude pas digne par rapport à l’attente des justiciables. »
Mais en à croire le magistrat à la retraite la responsabilité est partagée. Parce que renseigne-t-il « le pouvoir exécutif s’obstine dans son refus d’apporter les réformes nécessaires pour consolider de manière définitive une indépendance de la justice. Certes ce pourvoir exécutif en la personne du président de la République et de son ministre de la Justice qui font toute velléité sur l’Indépendance de la justice. Mais il faut que certains magistrats se laissent faire pour sortir avec une promotion, soit pour se taire et jouer le jeu de l’exécutif. Mais l’Union des magistrats se doit de les identifier et de les dénoncer définitivement ».
Le budget du pouvoir judiciaire ne doit plus être déterminé par l’Exécutif
Par conséquent, pour assurer l’indépendance réelle de la justice l’ancien Procureur spécial de la CREI suggère quatre objectifs suivants : « premièrement, indépendance de l’autonomie budgétaire en justice. A l’image du pouvoir exécutif, on ne peut pas comprendre que le judicaire soit un pouvoir indépendant et ces moyens soient déterminés par le pouvoir exécutif. C’est vraiment inadmissible. Deuxième point, il me semble nécessaire de retirer au ministre de la Justice son pouvoir dans la gestion des carrières des magistrats. Troisièmement, laisser au moins les magistrats, le droit de se syndiquer et par conséquent le droit de grève. On ne peut pas comprendre que cette corporation de ce pays puisse se syndiquer et les magistrats soient en face d’une exécution. Presque dans la sous-région tous les magistrats sont syndiqués exemple au Mali, Burkina pour ne citer que ceux-là. En fin c’est la réforme qui sera développée concernant le Conseil supérieur de la magistrature. Car ceci dit le principe de l’Indépendance du pouvoir judicaire à l’égard des autres pouvoirs : législatif et exécutif ».
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