Mamadou NDIONE ou les élucubrations partisanes d’un Profane
Ce qui nous choque en premier, dans la forme de votre argumentaire, c’est que vous consacrez énormément d’énergie à la caricature et à la réduction des personnes et de l’œuvre d’éminents Professeurs et Maitres de Conférences. Dans cet exercice, vous ne manquez vraiment pas d’idées. ‘‘La bande des 51’’ ‘‘éminences grises à la neutralité manifestement suspecte’’, ‘‘ juristes récidivistes’’ *, ‘‘pénibilité suspecte de l’argumentaire’’, ‘‘nihilistes sous couvert académique’’ ‘‘ Des adeptes de la subversion’’ ‘‘texte conjoncturel manifestement partisan’’, ‘‘ désinvolture dangereuse et partiale’’ nous allons nous en arrêter là, au risque d’épuiser votre texte qui est pourtant, censé être un contre argument scientifique.
La charte fondamentale de la République du Sénégal que vous vous plaisez tant à citer garantit également le droit de manifester, et la loi respecte tellement cette liberté qu’elle a laissé une très petite marge à l’autorité pour la restreindre selon des conditions cumulatives bien déterminées. Le Préfet n’est certes pas tenu, comme vous le dites, de divulguer des informations qu’il détiendrait et qui seraient à l’origine de sa décision mais il est tenu de la motiver sur la base des outils dont la loi l’a doté pour apprécier de l’opportunité de ses choix.
‘‘La bande des 51’’ a certainement eu une lecture avec un peu plus de recul et de liberté que le Préfet et vous pour savoir, qu’il est inutile de préciser que la sécurité des personnes et des biens n’étaient nullement menacée.
La caricature vous suit tout le long de votre discours, il nous semble que nos chers Maitres ont sincèrement dû vous importuner par la précision et le tranchant de leur démarche. Permettez-nous de vous rappeler que ces signataires ‘‘aux hostilités épistolaires’’ parfumés de ‘‘partialité’’ sont issus de l’essentiel des Universités publiques du Sénégal (L’UCAD, l’UGB, l’UADB et l’UASZ) alors, l’impartialité dont vous faites si facilement et gracieusement état provient de l’Université sénégalaise. Vous êtes toutefois libre d’avancer que cette dernière est partisane et qu’elle a tort de pointer du doigt les éléments qu’elle a elle-même formés au nom d’une ‘‘partialité’’ que vous peinez à justifier jusqu’à là.
A la bonne heure, nous allons enfin, vous suivre dans la seule partie de votre réflexion qui suscite réellement notre intérêt scientifique. Celle de ces si petites et insignifiantes fléchettes qui vous ont valu tant de maux, oupss, MOTS !
Vous évoquez la loi no 78-02 du 29 Janvier 1978 pour nous vendre un préfet ‘‘en conformité’’ avec ‘‘ l’esprit et la lettre’’ d’une loi pour prendre une décision que la Fabrique du Droit sénégalais a tout de même vomie, cherchons ensemble l’erreur… Toujours ensemble, allons aux conditions qui peuvent motiver l’empêchement de la tenue d’une manifestation. Elles tiennent sur un concours de deux circonstances cumulatives : le réel danger de troubles graves à l’ordre public et l’indisponibilité des forces à même d’encadrer la manifestation. Deux récents évènements connus de tous suffisent comme baromètre pour balayer d’un revers de main votre postulat et également, celui du Préfet. Il s’agit respectivement de la récente tenue d’une manifestation pacifique de YAW avec un très grand nombre de participants sans aucun débordement et la présence massive et équipée des forces de l’ordre aux alentours des domiciles des leaders de YAW à la manifestation empêchée du 17 juin. Le Préfet, c’est également une autorité qui est censée faire usage de son sens du discernement pour apprécier de l’opportunité de ses décisions, bien évidemment, s’il en est toujours le détenteur souverain.
A la lecture de l’article 61 du Code Electoral et l’appréciation que vous en avez faite, je souris avec bonhomie. Je suis tenté de vous faire un cours magistral mais je n’ai pas encore la carrure de mes Maitres. Je vais donc me contenter de vous poser une question qui vous fera certainement Réfléchir, je l’espère désespérément en tout cas (la dimension symbolique de l’oxymore n’échappera certainement pas à l’œil avisé de l’écrivain que vous êtes) Est-ce qu’une manifestation peut se tenir en dehors de l’absence de sa motivation ? Vous allez certainement m’opposer le plus naturellement un Non. Alors je vous soumets une question accessoire avant de laisser tranquille votre cerveau pour ce canevas : la motivation de la manifestation peut-elle être détachée du soutien à une coalition qui entend, par ladite manifestation, recouvrer toutes ses facultés légales brimées pour participer aux prochaines élections législatives ? Vous pourrez également adresser, au besoin, les questions à notre très cher Gouverneur.
Concernant la divisibilité des listes (Titulaires/Suppléants) que vous semblez manifestement défendre, nous voudrions vraiment que vous nous présentiez les références jurisprudentielles sur lesquelles vous vous appuyez pour corroborer votre postulat. Elles nous seraient d’un grand apport scientifique. Ah, et si nous pouvons nous le permettre, évitez la prochaine fois de tomber dans les mêmes ‘‘travers’’ que vous reprochez à nos Maitres. En Droit, les références sont primordiales. Lorsqu’elles sont absentes, la légèreté de l’argumentation se caractérise, c’est connu.
Nous avons également remarqué que vous avez beaucoup insisté sur l’arrestation préventive d’éléments d’une ‘‘force spéciale’’ qui avait dans l’intention de nuire. Nous ne saisissons pas vraiment la pertinence de la convocation de cet argument qui, en l’espèce, ne partage aucun lien essentiel avec notre cas de figure car, en plus d’avoir été déclarée urbi et orbi, la manifestation de YAW était censée revêtir un caractère pacifique qui a déjà fait ses preuves le 8 juin. Pour rester dans le sillage des ‘‘force spéciales’’, permettez-nous de vous dire que le souvenir des ‘‘forces occultes’’ et des ‘‘rebelles venus acheter des moutons’’ est encore frais dans nos esprits.
Enfin, Cher Monsieur Ndione, sachez que les produits de l’Université sénégalaise savent caricaturer et réduire. Nous en avons et le génie et le vocabulaire. Si nous avons pris la décision de ne pas le faire, c’est parce que nous estimons valoir mieux et qu’il nous appert nécessaire de servir d’exemple par rapport à la subtile suggestion que nous vous adressons sur l’importance de la tenue et de la retenue intellectuelles. Cependant, nous ne vous promettons pas autant de cordialité la prochaine fois que vous caricaturerez la Fabrique du Droit sénégalais. Vous êtes libre d’être du côté qui est le vôtre mais ne chassez pas la Fabrique du droit Sénégalais de son unique logement : La Maison du Droit.
Signé de la main d’un bébé chercheur anonyme qui ne pouvait pas rester impassible face aux élucubrations partisanes d’un Profane.
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