C’est une lettre d’explication. Le leader de Bes du Ñakk a écrit au Président de la Conférence des leaders de la coalition Yewwi Askan Wi (Yaw) Khalifa Ababacar Sall, pour revenir sur les multiples frustrations subies depuis le début de leur compagnonnage. «Pourtant, il y a de cela trois mois, nous avions partagé dans le groupe des leaders de Yaw un texte qui résume et retrace pour mémoire nos appréhensions d’alors, qui, aujourd’hui, sont confirmées», a éclairé Serigne Mansour Sy Djamil. L’ancien vice-président de l’Assemblée nationale et député de tonner qu’«aucun leader de Yewwi Askan Wi n’est assez neutre pour se mettre au-dessus de tout le monde et décider des investitures des candidats. Nous accordions le bénéfice du doute à Khalifa Sall. Mais, résultat des courses, il nous a pitoyablement déçus». Seneweb vous publie l’intégralité de la lettre de Bes du Ñakk.
Khalifa Ababacar Sall, Président de la Conférence de leaders de la coalition Yewwi Askan Wi (Yaw)
Je viens, par la présente, vous soumettre la démission de Bes du Ñakk auprès de la coalition Yaw.
J’ai profondément cru à cette coalition et aux perspectives qu’elle ouvrait pour notre pays.
C’est la raison pour laquelle durant nos négociations à Paris, après consultation avec la section de Bes du Ñakk en France et le Directoire National, nous avons décidé d’adhérer à Yaw en toute sincérité.
C’est ainsi que nous nous sommes engagés corps et âme pour la victoire de Yaw dans plusieurs communes durant les élections municipales. Nous sommes allés au fin fond du Walo dans la commune de Ngnith, dans celle de Hann Bel-air, la plus importante du département de Dakar et partout ailleurs pour porter les idées de Yaw.
Au bout de quelques mois de compagnonnage, nous avons vu que nous ne partagions pas les mêmes valeurs inscrites en lettres d’or dans notre Manifeste pour la Refondation Nationale et qui fondent l’engagement politique de Bes du Ñakk.
Aujourd’hui, après une large concertation au sein de notre Directoire National où les membres ont fait état de l’indignation des militants et de beaucoup de Sénégalais du fonctionnement anti-démocratique de Yaw et de la manière inacceptable dont Bes du Ñakk était traité, nous avons décidé de vous présenter cette lettre de démission de notre parti auprès de la coalition Yewwi Askan Wi.
Pourtant, il y a de cela trois mois, nous avions partagé dans le groupe des leaders de Yaw un texte qui résume et retrace pour mémoire nos appréhensions d’alors, qui aujourd’hui sont confirmées. Le texte se présentait comme suit : «Les prochaines élections législatives n’auront de sens que lorsqu’elles seront des jalons dans l’exercice d’un pouvoir accompli pour des millions de personnes ; leur but devient le mouvement populaire lui-même. Ce mouvement sortira-t-il plus instruit, plus puissant ? Pourra-t-il investir les lieux de décisions en redéfinissant le mandat de l’élu devant chaque problème ? »
«Aucun leader de Yewwi Askan Wi n’est assez neutre pour se mettre au-dessus de tout le monde et décider des investitures des candidats»
Tel était notre défi. Et à ce propos la fameuse réflexion de Jean Jaurès est d’une extraordinaire actualité : «Partir du réel pour aller à son idéal». Mais, ce que le réel nous révèle tristement est le nombre astronomique des candidats de Yewwi Askan Wi qui traduit le désir de chaque parti ou mouvement de la coalition d’avoir le maximum de députés. Devant un tel agenda, il serait illusoire de faire appel à un don de soi, d’oubli de soi et d’abnégation. On peut faire appel à ces concepts, la main sur le cœur par pure charité. Mais faisons de la politique et créons les conditions avec cette belle coalition, pour que les partis et mouvements majoritairement représentatifs et capables de nous faire gagner, engagent la bataille pour la victoire aux élections législatives. Si tel n’est pas le cas l’attelage ne tiendra pas le parcours.
Aucun leader de Yewwi Askan Wi n’est assez neutre pour se mettre au-dessus de tout le monde et décider des investitures des candidats. Nous accordions le bénéfice du doute à Khalifa Sall. Mais résultat des courses, il nous a pitoyablement déçus. Nous sonnions l’alerte ; parce que le traitement inacceptable dont a été victime notre camarade Aïda Niang lors de la mise en place du bureau du conseil municipal de Dakar à la suite des élections locales passées, commandait de notre part circonspection et sagacité.
Nous ne servirons plus de chair à canon pour aucune coalition, « Golo du bay baabun di dunde », et nous ne permettrons plus l’utilisation de l’image symbolique du leader de Bes Du Ñakk sur les affiches de Yewwi Askan Wi. Est-il acceptable qu’il n’y ait aucun candidat de Bes Du Ñakk dans les 46 départements du Sénégal alors que nos partenaires de Yewwi Askan Wi et le pouvoir lui-même savent pertinemment que nous sommes incontournables à Dakar, Pikine et à Rufisque (en 2012 Bes Du Ñakk a gagné 100/100 des bureaux de votes à Yenne), à Louga, à Kébémer, à Dagana et en Afrique du Nord (Mauritanie et Maroc). YAW a préféré substituer Wallu à Bes Du Ñakk, avec Mame Diarra Fam à la place de Maguèye SECK ; ce qui a provoqué la fureur de jeunes de Pikine. Il en est de même pour le candidat de Bes Du Ñakk Moussa Sène remplacé par un militant du PUR, illustre inconnu arrivé à Nouakchott il y a à peine six mois. Et on est en droit de se demander quel est le véritable agenda de Yewwi Askan Wi et qui est derrière cette obsession de sortir Bes Du Ñakk de l’Assemblée nationale ?
«Pour garantir sa réussite, Yewwi Askan Wi ne doit souffrir d’aucune légèreté dans son fonctionnement»
Pour garantir sa réussite, Yewwi Askan Wi ne doit souffrir d’aucune légèreté dans son fonctionnement. La rigueur devrait être de mise de la part de ses dirigeants expérimentés qui savent ce qu’ils veulent et où ils vont, guidés en cela par l’intérêt supérieur de notre Nation. C’est ce que le peuple sénégalais attend de nous. Nous n’avons pas le droit de le décevoir. Nous sommes héritiers d’une vieille tradition de lutte pour les élections législatives incarnée par notre père et modèle Cheikh Ahmet Tidiane Sy (RTA) qui, un mois après la création Parti pour la solidarité du Sénégal (PSS) dont il était le président, s’est engagé dans la bataille des élections législatives de 1959 en descendant lui-même sur le terrain et en sillonnant tout le Sénégal, accompagné en cela par son frère Serigne Abdou Aziz Sy Al Amine, trésorier, Maitre Oumar Diop, Secrétaire Général, le Président Ibrahima Seydi Ndaw, coordonnateur et Serigne Ibrahima Niasse , soutien indéfectible. Ils sont descendus sur le terrain. Les élections ont donné la victoire à l’UPS avec 444 000 voix et la totalité des sièges et au PSS 70 000 voix et aucun siège à l’Assemblée nationale.
Les résultats contestés par Serigne Cheikh l’ont amené à organiser des chants religieux interdits par le pouvoir. Il fut arrêté à Tivaouane le 29 juin 1959 et interné pendant six mois. Nous sommes héritiers de cette tradition. C’était mon premier acte politique à Saint-Louis, je n’avais que douze ans. La nuit, je badigeonnais les murs de Saint-Louis et les pavés pour exiger la libération de Serigne Cheikh.
C’est pourquoi ma déception a été profonde lorsque, durant les élections présidentielles de 2019, où Bes Du Ñakk avait soutenu et battu campagne pour le candidat du PUR Issa Sall durant toute la période électorale jusqu’à la veille des élections quand j’apprnds que les moustarchidines avaient retiré leur soutien à Issa Sall à la dernière minute. Trahison ne pouvait être plus surprenante.
J’ai dû avaler mon chapeau pour me retrouver quelques années après dans la même coalition. Mais Serigne Cheikh Ahmet Tidiane qui avait financé presque toutes mes activités politiques m’avait averti en me disant que : « Mon fils, vous vous êtes engagé dans une activité terrible qui s’appelle la politique, terrible parce que la trahison y est monnaie courante. Et elle intervient là où on ne soupçonnerait pas ‘’foo ka fooge wul’’, de personnes qui te sont le plus proche ‘’ñi la gënë jege’’. Quand on a cette prophétie en tête provenant de cet illustre homme, on comprend beaucoup de choses qui sont en train de se passer dans Yewwi Askan Wi qui est en train d’organiser son enterrement politique de première classe.
‘’Koy andale ak ku nekk, la la bayi si moom mooy sa bopp. Su la xoose nga yëk ko waaye su la yëge tamit nga yëk ko » et « ku tëb si kamb dal si daay amna benen tëbin bu lay xaar’’.
Mais l’espoir est toujours permis.
Oui Sénégal demain un autre pays ! Vouloir la rupture et construire un Sénégal nouveau au quotidien.
Sénégal, ëllëg ay dàq !
Veuillez accepter, Monsieur Le Président, mes salutations respectueuses et démocratiques.
SERIGNE MANSOUR SY DJAMIL
PRESIDENT BES DU ÑAKK
ANCIEN VICE-PRESIDENT ASSEMBLEE NATIONALE, HONORABLE DEPUTE
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