Habib Niang est persuadé que le président Macky Sall a beaucoup fait pour la jeunesse de notre pays en termes de mise en place de mécanismes de lutte contre le chômage des jeunes. Seulement, si les émeutes de ce mois de mars sont le signe d’une exaspération profonde ainsi que d’un désarroi des jeunes — et non une résultante de la popularité de Ousmane Sonko —, le chef du service du Cadastre de Guédiawaye pense que l’échec de la politique de lutte contre le chômage des jeunes est due au fait que les directives du présid nt Macky Sall dans ce domaine ne sont pas bien exécutées. Il estime que le chef de l’Etat doit revoir son entourage et qu’il est temps de faire une introspection pour une reprise en main garantissant une nouvelle relation de confiance entre le chef de l’Etat et sa jeunesse. Entretien avec « Le Témoin »
Le Sénégal a été secoué par des émeutes sans précédent en ce début de mois de mars. Quelle lecture faites-vous de ces événements ?
Habib NIANG – Je pense qu’aujourd’hui, la situation est maitrisable. Comme vous le savez, lors de mon audience avec le président de la République, j’avais attiré son attention sur la situation des jeunes. Le président Macky Sall a beaucoup fait en termes de programmes de lutte contre le chômage des jeunes. Il est très informé et très conscient de la situation actuelle des jeunes sénégalais. Avec le mouvement And Suxxali Sénégal, nous avons très tôt pris en charge cette problématique de création d’emplois pour les jeunes. Notre démarche avait été surtout orientée vers l’accompagnement et le suivi des jeunes dans les démarches pour trouver des emplois. Nous avons vécu, il faut le dire, une situation alarmante.
Ces jeunes n’ont pas envahi les rues de notre pays à la demande d’un leader politique, non, ils y étaient parce qu’ils souffrent du manque d’emplois, de précarité et tout. J’ai eu à rencontrer certains étudiants qui ont confirmé mes craintes. En analysant la situation, on a compris qu’ils se sont sentis blessés, sans doute à cause du chômage qui s’accroit de jour en jour. Selon moi, la masse juvénile qui manifestait ces temps-ci n’a rien à voir avec Ousmane Sonko même si ce dernier a bien évidement des ambitions politiques.
J’ai été souvent le mur de lamentations des jeunes qui m’ont demandé à plusieurs reprises d’alerter le président de la République sur leur situation. Des jeunes qui veulent s’installer à leur propre compte mais butent sur l’inaccessibilité des financements.
Je le répète. Je pense qu’aujourd’hui la situation est maitrisable. Car, il faut le dire, même si le chef de l’Etat a beaucoup fait pour le pays, il y a encore énormément de choses à faire pour atténuer cette question du chômage des jeunes… Et je pense qu’il en est bien conscient d’autant plus qu’il est très bien informé. Son discours du 08 mars dernier rassure et apaise surtout la jeunesse. Il vient à son heure. Il est le début d’un nouvel engagement fort du président de la République sur la question de l’emploi des jeunes.
Justement par rapport aux émeutes, le lien a été rapidement fait entre le leader de Pastef, Ousmane Sonko, et la déferlante des jeunes. Comment analysez-vous un tel rapprochement ?
Certes certains ont tenté de faire des rapprochements entre Ousmane Sonko et les jeunes. Ils ont tort de le faire. Peut-être que le leader de Pastef a été le catalyseur, mais la problématique est plus profonde que cela.
Regardez ! Si l’épicentre du conflit est Dakar, une ville comme Thiès n’a pas tellement bougé. Parce qu’à Thiès, notre démarche a été très souvent d’aller vers les populations pour les écouter. Lorsqu’on a senti que la situation commençait à prendre des proportions inquiétantes, nous avons demandé à tous les étudiants thiessois vivant à Dakar de retourner chez eux.
Les émeutes de ce début mars ne sont que l’illustration d’un profond malaise chez les jeunes Sénégalais. Ils ont véritablement senti le besoin d’extérioriser leur colère. Les jeunes sont lésés sur le plan professionnel, de la création d’emplois surtout.
Beaucoup de jeunes Thiessois, libérés suite à ma médiation, m’ont fait comprendre que « président, nous ne sommes pas du camp de l’opposition. Mais nous sommes à bout ». En effet, malgré leurs diplômes, ils ne parviennent pas à trouver un emploi décent. Surtout qu’aujourd’hui, ils sont conscients de leur poids électoral qu’ils comptent mettre sur la balance lors des prochaines élections.
Donc, à vous en croire, il n’y a pas de lien entre Sonko et la furie des jeunes qui s’est manifestée la semaine dernière…
A mon humble conviction, il n’y a aucun lien entre Ousmane Sonko et les jeunes. Cela dit, il faut dire qu’Ousmane Sonko est un jeune Sénégalais qui a des ambitions pour devenir président de la République. Si je réaffirme qu’il n’y a aucun lien entre Sonko et les manifestants, c’est à partir d’un constat découlant d’un interrogatoire que j’ai mené auprès des jeunes manifestants.
Beaucoup de jeunes de presque toutes les régions avec qui j’ai discuté m’ont clairement dit que c’est seulement la question du chômage qui est leur seule préoccupation. Il y a eu une malheureuse coïncidence entre le dossier Sonko et l’explosion de la colère des jeunes.
Vous êtes membre du camp présidentiel, admettez-vous que le président Macky Sall a échoué sur ce dossier ? Malgré tous les instruments de lutte contre le chômage des jeunes comme la DER, le Fongip, l’ANPEJ… le problème reste entier. Comment comprenez-vous un tel échec ?
Il faut reconnaître que, dans le domaine de la prise en charge de la question du chômage des jeunes, le président Macky Sall a beaucoup fait en termes d’instruments mis en place dans ce cadre. Si on a échoué à ce niveau, c’est que les directives du président de la République n’ont été ni respectées ni appliquées par ceux qui sont chargés de gérer ces instruments. Il y a beaucoup d’institutions de financement mais, malheureusement, les jeunes à qui sont destinés ces financements n’en bénéficient pas.
Il faut oser le dire, les responsables n’ont pas respecté les directives que le président leur a données. De ce fait, le moment est bien choisi pour que le président de la République prenne ses propres responsabilités. Au niveau de Suxxali Sénégal, nous avons cherché à nous débrouiller à partir de relations tissées avec des partenaires pour aider les jeunes. Nous avons engrangé pas mal de succès dans ce domaine, c’est pourquoi d’ailleurs beaucoup de jeunes nous ont rejoint.
Nous ne détenons ni poste de ministre, ni strapontin de directeur général, mais tout est fait par un simple haut fonctionnaire de l’Etat — ma modeste personne — qui multiplie les initiatives dans ce registre pour aider et accompagner le président de la République à résoudre la question du chômage des jeunes. Il y a des gens dans l’entourage du chef de l’Etat qui ne l’aident pas, qui ne lui disent pas la vérité, il lui faut la bonne information, il doit être entouré de jeunes qui lui diront la vérité quoi qu’il en coûte.
Le président n’a cessé de dire à ses ministres et à des DG de penser aux jeunes, de penser à leur entourage, mais cela est tombé dans l’oreille de sourds. L’heure est arrivée pour le président de la République de prendre ses responsabilités.
Lors de son discours du 08 mars, il a dit à la jeunesse que « je vous ai compris ! ». Son discours a calmé la jeunesse qui attend que ses promesses soient traduites en actes concrets. Ce mercredi, en Conseil des ministres, il est passé aux actes puisqu’il va dégager une enveloppe de 350 milliards de frs sur trois ans pour la jeunesse.
L’espoir est en train de renaître dans ce pays. Les Sénégalais aiment le président de la République. Je crois qu’il doit multiplier les sorties solennelles à l’endroit des populations pour les rassurer davantage surtout la jeunesse qui l’a élu. Et c’est bien qu’il ait pris l’initiative de recevoir prochainement les dirigeants des associations de jeunesse. Je crois qu’au sortir de cette grande rencontre, les jeunes auront une autre perception d’un homme qui aime profondément ce pays.
Vous reconnaissez implicitement que le président de la République a un problème d’entourage…
Effectivement. Dans l’entourage du président, il y a des collaborateurs qui travaillent énormément pour l’accompagner. Ces grands commis de l’Etat sont connus, mais par contre il y a d’autres qui ne mouillent pas le maillot. Ils n’aident pas le président et ne lui disent pas la vérité. Je lui ai dit qu’il faut qu’il s’entoure de jeunes véridiques qui peuvent lui dire président « deuk bi dokhoul »c’est-à-dire le pays ne marche pas.
Prenez lecas des jeunes qui osent défier la mer pour aller en Europe. C’est parce qu’ils n’ont pas réussi à se faire une place dans leur propre pays. L’heure de l’introspection a sonné. Elle passera par un remodelage de l’entourage du président pour trouver les meilleurs profils aptes à mettre en exécution rapide les directives du chef de l’Etat.
Vos ambitions pour la mairie de Thiès-Nord sont-elles toujours d’actualité ?
Absolument. Sauf si le président de la République me demande de retirer ma candidature, je suis décidé à briguer la mairie de Thiès Nord. A Thiès, on se connait, il y a trop de querelles et je ne rentre pas dans les détails. Je sais là où je pose les pieds. Les Thiessois connaissent qui est Habib Niang. Je suis 24/24 heures en contact avec eux. Au moment où je vous parle (Ndlr, hier jeudi), les étudiants thiessois de Ziguinchor me demandent de me rendre dans la capitale du Sud.
J’ai fait le tour de toutes les universités du pays pour aller à la rencontre des étudiants thiessois pour leur dire que notre ville a besoin de leur engagement pour se développer.
J’ai le soutien des étudiants, des femmes qui drainent 250 groupements comprenant chacun 70 à 100 femmes. Je suis le seul acteur politique thiessois aujourd’hui qui peut remplir rapidement un stade de football.
Les Thiessois se sentent en phase avec Habib Niang. Mon ambition, c’est faire émerger Thiès et accompagner le président Macky Sall partout au Sénégal.
→ A LIRE AUSSI : Touba: Idrissa Seck sollicite des prières pour Macky auprès de Serigne Abo Mbacké Fallilou (Vidéo)
→ A LIRE AUSSI : Fou malade: »Je ne fais pas partie de ceux qui disent qu’il ne faut pas bruler »
→ A LIRE AUSSI : Souleymane Elgas: »La justice politique au Sénégal est un vieux serpent de mer qui n’a épargné aucune présidence »
'