Au Sénégal, « certains préféreraient mourir que d’être vaccinés contre le Covid-19 »

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La campagne vaccinale a commencé le 23 février dans le pays, qui a reçu 200 000 doses du laboratoire chinois Sinopharm.

« C’est fait ! », titrait le journal télévisé de 20 heures, jeudi 25 février. La chaîne nationale sénégalaise, la RTS, ouvrait son édition sur le chef de l’Etat, Macky Sall, vacciné quelques heures plus tôt contre le Covid-19, au palais présidentiel. Un geste scruté depuis le démarrage de la campagne vaccinale, mardi, après la réception par le Sénégal de 200 000 doses provenant du laboratoire chinois Sinopharm. Tout l’après-midi, la salle du banquet a été transformée en hôpital de jour, accueillant un défilé des membres du gouvernement venus recevoir leur première injection.

Le président et ses ministres espèrent ainsi montrer l’exemple et inciter la population à faire comme eux. Car, au moment où le pays est confronté à une deuxième vague épidémique plus sévère que la première, les Sénégalais semblent dubitatifs, voire pour certains franchement défiants, vis-à-vis du vaccin. Selon une enquête réalisée au début de février par le Bureau de prospective économique, un groupe de réflexion affilié à l’Etat, seulement 15,1 % des sondés pensent que la vaccination est la meilleure solution pour venir à bout du Covid-19 et à peine un sur deux se disait prêt à se faire vacciner.

Le professeur Moussa Seydi, chef du service des maladies infectieuses de l’hôpital Fann, à Dakar, l’assure pourtant, « même les personnes qui ne sont pas à risque doivent éviter d’être un tremplin et ce n’est qu’en se vaccinant qu’on pourra avoir une immunité collective et retrouver une vie normale », estime le médecin chercheur, pour qui il s’agit aussi de faire acte de solidarité.

Canulars d’humoristes

Mais telle ne semble pas encore être la perception dans le pays, qui déplore 852 morts dues au Covid-19. Dans plusieurs vidéos, des Sénégalais ciblés par des canulars d’humoristes refusent catégoriquement de recevoir le vaccin et vont parfois jusqu’à prendre la fuite. « Certains préféreraient mourir plutôt que d’être vaccinés, témoigne Makhfouss, un des youtubeurs les plus célèbres du pays. Et parmi les passants que nous avons piégés, quelques-uns ont accepté le vaccin, mais on n’a pu diffuser leur témoignage car ils ne voulaient pas apparaître face caméra. »

D’après une autre étude portant sur quatre pays africains (Sénégal, Burkina Faso, Bénin et Cameroun), réalisée dans le cadre du projet de recherche Coronavirus anthropologie Afrique, et toujours en cours, les causes de cette défiance sont multiples. Chez certains, c’est la crainte d’effets secondaires ou la préférence pour d’autres stratégies thérapeutiques qui sont en jeu. D’autres, en revanche, vont jusqu’à associer le vaccin à un complot occidental, visant à tuer les Africains ou à les rendre stériles. La thèse d’un contrôle de la population au moyen de l’injection de puces ou de nanoparticules est aussi avancée.

Mais, pour Karim Diop, secrétaire général du Centre régional de la recherche et de la formation à la prise en charge de Fann, le rejet des Sénégalais s’explique surtout, et plus simplement, par la phobie de l’aiguille. « La faible acceptation du vaccin n’est pas spécifique au coronavirus. Les patients se déclarent guéris dès lors qu’ils nous voient arriver avec une seringue dans les mains », s’amuse le docteur en pharmacie.

Pour déconstruire les idées reçues et rassurer les Sénégalais, le personnel médical est monté au front, en se faisant lui-même vacciner, mais aussi en communiquant dans les médias. Un exercice acrobatique au moment où l’actualité sénégalaise est largement dominée par l’affaire de l’accusation de viol portée contre Ousmane Sonko, l’un des principaux opposants au pouvoir.

Associer les influenceurs

Le professeur Seydi, très écouté dans le pays, a ainsi fait le tour des plateaux télévisés. L’efficacité du vaccin a été prouvée dans les revues scientifiques internationales, répète-t-il à l’envi au grand public sénégalais. « Les effets secondaires finissent par disparaître et on a un recul parfaitement suffisant de dix semaines. Aucun vaccin n’a été incriminé dans un décès alors que le Covid-19 continue de tuer, fait-il valoir. Maintenant, le Sénégal doit mener sa propre surveillance pour évaluer la tolérance au produit. »

Le ministère de la santé et de l’action publique prévoit lui aussi de lancer une communication offensive. Selon Mamadou Ndiaye, directeur de la prévention, la stratégie portera notamment sur « l’engagement communautaire, l’utilisation des radios communautaires et la communication de masse ». Dès le démarrage de la campagne vaccinale, le président du Conseil national des aînés du Sénégal ou encore celui du Conseil des communicateurs traditionnels ont été vus en train de recevoir leur première injection. Jeudi soir, quelque 12 000 personnes avaient été vaccinées.

Après le corps médical, les personnes de plus de 60 ans ou atteintes de comorbidités auront la priorité, soit environ 3,5 millions. Pour atteindre cette cible, près de 7 millions de doses seront reçues « dans les toutes prochaines semaines », a assuré le chef de l’Etat.

Encore faudra-t-il vaincre les dernières réticences. Les guides des confréries religieuses pourraient contribuer à restaurer la confiance. Le calife général de Médina Baye, à Kaolack (centre), guide d’une importante confrérie tijane, s’est fait vacciner jeudi et a déjà invité « les plus sceptiques » à suivre son exemple. Le comédien Makhfouss recommande quant à lui au ministère de la santé d’associer les influenceurs, devenus de grands relais d’opinion parmi les jeunes.

SOURCE / LE MONDE AFRIQUE

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