Covid-19 au Sénégal: chronique d’un échec programmé

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Depuis l’avènement du covid-19 au Sénégal, les autorités politiques n’ont pas ménagé leurs efforts pour apporter des réponses les meilleures contre son expansion. Seulement, entre impréparation et manque de sérieux, les populations restent toujours menacées par cet hôte indésirable devenu un fléau mondial. De simple épidémie, le covid-19 a été déclaré pandémie par l’OMS, mais les moyens relatifs à sa gestion n’ont pas sensiblement évolué. A part l’avènement des vaccins, insuffisants et indésirables, rien n’est nouveau sous le soleil depuis l’apparition des premiers cas. La menace d’une troisième vague, ajoutée à l’apparition de plusieurs variants dont le terrible Delta, mettent à nu une vérité qu’on cacherait mal dans notre pays: la gestion très politique du covid-19 a abouti aux résultats catastrophiques qui risquent de ne pas changer avec les mobilisations politiques et le refus de prendre le vaccin par la majorité de la population.

Entre aide alimentaire et mesures de restriction des mouvements, le gouvernement sénégalais a essayé, tant bien que mal, de trouver une bonne recette pour contenir la progression du virus. Malheureusement, depuis le début, le peuple dans sa grande majorité n’a pas suivi la cadence voulue et dictée par le Chef de l’État et ses services. Malgré les contrôles les plus stricts, l’interdiction de voyage a été délibérément violée par des chauffeurs et citoyens mus que par leurs intérêts, souvent aidés en cela par des agents d’un certain niveau de responsabilité dans la gestion de la crise. Pourtant, l’appel à la résilience n’a jamais été mise en évidence au détriment d’une invite sincère au réalisme et qui voudrait que chacun mesure les conséquences de ses actes et les assume pleinement.

Une note de gestion positive en 2020…

Un regard dans le rétroviseur nous montre que la gestion du covid-19 lors de la première vague, soit de mars à septembre 2020 au plus, a été plus rigoureuse tant les populations étaient attentives et obéissantes aux directives des politiques et médecins. La campagne de la sensibilisation fut une réussite totale, la fermeture des lieux de culte était respectée même s’il y a eu de la réserve dans certains endroits du pays, les rassemblements furent évités notamment pour les cérémonies familiales, et malgré les conséquences économiques énormes, les marchés étaient fermés sans beaucoup de difficultés. Si ces mesures ont été mises en œuvre presque sans résistance, c’est parce que les populations étaient assez sensibilisées et tentaient de suivre les autorités politiques et religieuses dans leurs actes.

Dit autrement, la réussite de la gestion de la première vague et qui avait valu au Sénégal d’être distingué comme le premier pays africain et le deuxième au monde qui a le mieux géré la pandémie en septembre dernier, naissait du fait que les leaders donnaient l’exemple par l’action et ne se limitaient pas seulement à prêcher la bonne parole. A la demande des spécialistes et sur la base des recommandations prophétiques, les chefs religieux de tous bords avaient fini par annuler de grands évènements tels que la Ziarra de Tivaouane, l’Appel des Layènes, le Daaka de Médina Gounass, le pèlerinage marial de Popenguine, entre autres. Naturellement, ces décisions étaient consubstantielles à celles des autorités politiques qui ont, de leurs côtés, annulé le défilé du 4 avril et fermé les écoles dès les premières semaines de la pandémie. Si on en était arrivés à un si bon résultat sur le plan sanitaire, c’est parce qu’on a pu faire l’impasse sur le facteur économique et que tous étaient prêts à faire les sacrifices nécessaires au plan individuel pour sauver le collectif. Au nom de la résilience!

… jusqu’à la réouverture des classes et la levée des mesures barrières

Cette jonction des forces a pris dans la lutte contre la pandémie a pris un sacré coup avec la décision des autorités, le mois de juin dernier, de rouvrir les classes pour sauver l’année scolaire. Ce fut le point de départ d’un relâchement total, appuyé par la levée de l’État d’urgence en vigueur pendant 3 mois, lequel avait présenté quelques résultats à magnifier. Si le virus n’a pas pu circuler comme attendu lors des trois premiers mois de la pandémie, c’était grâce au respect de ces mesures de restriction. En effet, la gestion était telle que, malgré la reprise des cours, l’école n’était pas un foyer de contaminations. Le personnel médical et les acteurs politiques n’avaient de cesse d’œuvrer dans le sens de « vivre avec le virus » en mettant les populations dans les meilleures dispositions. Cependant, l’abandon de toutes les mesures adoptées a fini par démystifier le virus et plongé la majeure partie des citoyens dans une indifférence totale, s’ils n’étaient déjà adeptes de la théorie du complot pour aller jusqu’à réfuter même l’existence de l’épidémie.

2021 incohérences: refus de prendre les vaccins et apparition de nouveaux variants et manifestations politiques

L’explosion des cas de contamination et cas grave, ces derniers jours, interpelle plus d’un. Ces chiffres annoncés au quotidien par le ministère de la Santé font état de centaines de cas positifs par jour, mais n’émeuvent outre mesure. Les populations ne semblent point ébranlées ni par le décompte macabre du au covid-19, ni par le nombre de personnes en réanimation, encore moins par la centaine de cas issus de la transmission communautaire. Cette situation est la résultante de la mauvaise gestion épidémiologique du Sénégal depuis quelques mois. Alors que le vaccin apparait comme l’unique solution scientifique à ce jour, les citoyens dans leur grande majorité restent sceptiques et ne prennent pas la plus petite dose. C’est d’ailleurs ce constat qui avait poussé le président Macky Sall à prévenir sur un ton menaçant d’offrir les doses de vaccin aux pays qui en ont besoin si les Sénégalais ne les prenaient pas. Une communication qu a eu pour effet, non pas un rush vers lesdites doses, mais le renforcement de l’indifférence notamment des jeunes qu’on ne convainc pas par la menace.

C’est au moment où le Sénégal peine à faire vacciner un million de sa population- on parle d’un peu plus de 850 000 personnes qui se sont fait injecter une dose- que l’on assiste à la multiplication des variants du covid-19 dont le plus mortel est le Delta. Récemment, l’Institut Pasteur de Dakar avait révélé que 4 variants circulent au Sénégal: l’Alpha, le Béta, le Delta et celui dit nigérian; ce qui expliquerait l’explosion des cas. Cette situation qui devrait nous appeler à davantage de prudence contraste clairement avec ce qui se passe dans la réalité. Les états-majors politiques rivalisent de mobilisations, au fur et à mesure qu’on tend vers les élections locales du 23 janvier 2022. Aussi bien la majorité que l’opposition, les acteurs vont à la rencontre des populations, qui pour faire des tournées « économiques » très politiques, qui pour faire le rappel des troupes et massifier leurs formations. Entre les foules drainées par le président Sall, dans le non respect total des mesures barrières et celles mobilisées par l’opposition durant les manifestations de février et mars, et même lors du vote de la loi sur le code pénal, on est tout simplement face à un échec programmé puisque la politique a pris le dessus sur l’urgence sanitaire.

Par Ababacar Gaye/SeneNews

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