À l’occasion de la parution de son ouvrage DE QUOI JÉSUS FILS DE MARIE EST-IL LE SIGNE ?Enquête sur l’Histoire de l’Alliance et du Salut selon la Bible et le Coran (édition L’Harmattan), l’Imam Kanté s’est confié à Seneweb sur le sens de cet ouvrage. L’Imam qui assume son côté provocateur s’est aussi prononcé sans langue de bois sur les sujets brûlants de l’actualité.
Vous publiez DE QUOI JÉSUS FILS DE MARIE EST-IL LE SIGNE ?Enquête sur l’Histoire de l’Alliance et du Salut selon la Bible et le Coran. Pourquoi avoir choisi de consacrer un livre à Jésus Christ ?
Marie est la seule femme dont le nom est mentionnée dans le coran et Jésus également est le seul prophète dont le nom est associé est celui de sa mère. Donc ce « couple » constitue une énigme que j’ai tenté d’interpréter parce que je n’étais pas satisfait de ce j’ai vu dans les commentaires du Coran concernant le signe « aya » que constitue la personne de Jésus et celui de la personne de Jésus associé à sa mère Marie.
Je suis arrivé à un résultat majeur selon lequel Jésus n’a pas eu de père parce que Dieu a voulu mettre fin au prophétisme qui se transmettait de façon patrilinéaire au sein du peuple d’Israël. Donc, si Israël ne peut plus avoir un enfant prophète, cela veut dire que l’alliance entre Dieu et le peuple d’Israël est terminée. Sans oublier que c’est Jésus qui a annoncé la venue du prophète Mohamed Psl mais qu’il appelle Ahmed qui est un superlatif arabe qui signifie le plus loué. Donc, le sceau des Prophètes est annoncé par le fils de Marie dans la filiation d’Ismaïla. Ce qui veut dire que Jésus est la personne charnière entre la fin de l’Alliance de Dieu et le peuple d’Israël et de cette alliance universelle qui va être incarnée par la personne de Mohamed Psl qui est de la lignée d’Ismaïla. Alors, l’histoire de la Bible et de l’Ancien testament constitue celle du peuple d’Israël dans laquelle l’histoire de la filiation d’Ismaïla est évacuée.
J’ai écrit ce livre pour mettre en lumière ce signe qui semble être spéculatif mais qui est en réalité un enjeu théologique capital parce que, la divergence fondamentale du point de vue théologique entre le Judaïsme, le Christianisme et l’Islam est au niveau de l’identité et du statut de Jésus fils de Marie.
“Jésus fils de Marie n’est pas une propriété du Christianisme, le Coran en parle, les juifs également ont leur point de vue par rapport à ce qu’on appelle le « Messie »”
Dans le monde, notamment au Moyen Orient, mais aussi en Centrafrique, au Nigeria et récemment en Éthiopie, on voit des tensions entre communautés chrétiennes et musulmanes. Ce livre est-il une façon de rappeler ce que les deux religions ont en commun ?
Cet ouvrage ne s’inscrit pas dans cette optique de tolérance qui est très noble. Cependant, il fait plus appel à un débat religieux entre les trois religions révélées car l’histoire de l’alliance est celle de l’humanité. Jésus fils de Marie n’est pas une propriété du Christianisme, le Coran en parle, les juifs également ont leur point de vue par rapport à ce qu’on appelle le « Messie ». Néanmoins, je soutiens le vivre ensemble entre les adeptes du Judaïsme, du Christianisme et de l’Islam. Il faut noter, qu’en général quand il y a tensions c’est parce qu’il y a manipulation de leurs appartenances confessionnelles par les opportunistes.
Vous êtes un Imam assez atypique, dans le sens où vous êtes très engagé dans les débats intellectuels. On note aussi votre présence dans les médias, et même sur les réseaux sociaux, où vous n’hésitez pas à débattre avec vos détracteurs. En ce sens, on peut dire que vous menez un combat. Quel est le sens de ce combat ?
Je suis Imam du numérique parce que je dois participer à la vie de la société et même à la marche du monde et il n’y a pas meilleur moyen que le numérique car cela me permet d’atteindre un plus grand nombre de personnes, ainsi, mon message sera reçu par tous et surtout par la jeune génération. Chacun doit apporter sa pierre à l’édifice afin de faire émerger le pays. Même les prophètes avaient des détracteurs donc cela ne va pas m’empêcher de mener à bien mon combat qui est de rappeler Dieu et parler de la justice sociale.
“Les féministes ne se battent pas pour la justice mais plutôt pour la puissance de la femme et la domination féminine”
Certains pointent du doigt vos idées conservatrices, les féministes vous reprochent d’être misogyne. Toujours est-il qu’on sent en vous un certain goût de la polémique. Est-ce que vous assumez ce côté provocateur ?
Quand on s’engage dans des questions publiques, forcément on n’échappe pas à la polémique car vous ne partagez pas les mêmes idées.
J’assume mon côté provocateur et je refuse d’être sous l’emprise carcérale de cette société avec ses sujets tabous. Car tous les sujets méritent d’être mis sur la table pour que chacun puisse donner son avis et apporter une solution. Pour certains, je suis un Iman conservateur et pour d’autres je suis progressiste.
Il faut savoir que les féministes sont un groupe social qui mène des combats. Elles me reprochent d’être misogyne car je ne partage pas leurs avis sur certaines questions. Elles ne se battent pas pour la justice mais plutôt pour la puissance de la femme et la domination féminine. Ce que je trouve extrêmement dangereux car il faut trouver un équilibre. Dieu ne s’est pas trompé en créant un homme et une femme. Donc il faut respecter les expressions de la masculinité et de la féminité.
Avec Jamra, And Sam Djiko Yi, et d’autres mouvements, on sent que le discours politico-religieux gagne du terrain et imprègne de plus en plus les masses. Est-ce que cette tendance vous donne la tentation de vous lancer en politique ?
Toute personne intéressée par la gestion des affaires publiques appartient forcément à une communauté politique. Je fais de la politique dans le sens où j’ai mon mot à dire sur la vie de la société. Par contre, s’engager dans la compétition pour le pouvoir n’est pas encore dans mes projets même si c’est un droit et l’Islam me le permet. Je ne vois pas de soucis à ce que Jamra et autres font dans la mesure où ils œuvrent dans le sens de l’intérêt public et j’encourage à cet effet, les jeunes adultes à se lancer dans la politique.
“Je suis favorable à ce que nous définissions nous même la vision de notre constitution qui jusqu’à présent a été beaucoup plus parachutée par une dizaine d’intellectuels qui ont fait leurs études en France”
Êtes-vous favorable à une remise en cause du modèle laïc sénégalais ?
Oui, je suis favorable à ce que nous définissions nous même la vision de notre constitution qui jusqu’à présent a été beaucoup plus parachutée par une dizaine d’intellectuels qui ont fait leurs études en France. Alors, il est temps que les Sénégalais s’approprient la Constitution qui est la charte fondamentale du pays en redéfinissant les termes à travers un débat public dans la transparence afin que chaque citoyen puisse donner son avis. Même si on évacue le modèle laïc, il va rester quelque chose de très important qui est le respect de la loi, de la liberté de croyance d’expression et le bon vivre ensemble.
On vous prête des sympathies pour Ousmane Sonko. Qu’en est-il exactement ?
Oui, je l’assume. Ousmane Sonko, je le considère comme une personne publique qui veut diriger le Sénégal. Cependant, si Sonko se prononce sur des questions d’intérêt public, il peut arriver que je partage ou pas son opinion. Donc je ne suis ni sympathisant ni contre Ousmane Sonko.
“Toutes ces personnes qui ont fait de cette affaire leur sujet favori, est-ce qu’ils valent mieux que Sonko et Adji Sarr dans leur comportement ? Combien parmi eux ont été fidèles à leurs conjoints et n’ont jamais fait de fornication”
Évoquons quelques sujets d’actualité. En parlant de Sonko justement, le dossier qui l’oppose à Adji Sarr tient en haleine les Sénégalais. Avez-vous une conviction dans cette affaire ?
Je n’ai pas de conviction. Sur cette question-là, à part Sonko, Adji Sarr et Dieu personne ne peut dire avec exactitude ce qui s’est passé. Pour moi, c’est juste une question judicaire. C’est une fille qui a porté plainte et monsieur doit répondre à la justice. Toutes ces personnes qui ont fait de cette affaire leur sujet favori, est-ce qu’ils valent mieux que Sonko et Adji Sarr dans leur comportement ? Combien parmi eux ont été fidèles à leurs conjoints et n’ont jamais fait de fornication.
Tout ce que je sais, c’est que ceux qui sont du gouvernement vont utiliser cette affaire contre Sonko, vu qu’ils sont en compétition pour le pouvoir et chacun va donner les coups les plus durs car c’est ça la politique sans éthique.
Comment avez-vous apprécié les nominations du Capitaine Touré et de Guy Marius Sagna à la mairie de Dakar ?
Je ne suis pas contre ces nominations . Cependant, il ne faut pas que les nouveaux maires reprennent les pratiques qu’ils ont condamnés eux-mêmes. Ces postes-là , je ne vois pas pourquoi on doit les attribuer à Guy Marius Sagna et au Capitaine Touré. Cela ressemble plus à un recrutement politique. Si c’était Macky Sall qui avait procédé ainsi, ils auraient dit qu’il a nommé ses amis mais puisque que c’est Barth ils disent que c’était soumis à sa discrétion. S’il voulait plus de transparence, le maire de Dakar aurait pu faire un appel d’offres pour ces deux postes.
“Quand il y a des petits enfants, des jeunes tués, il faut interroger la responsabilité parentale et aussi celle de l’Etat”
Récemment des meurtres et des viols horribles ont ému l’opinion publique. Quelle réponse judiciaire préconisez-vous ? Etes-vous favorable à la peine de mort ?
Je préconise qu’on renforce les Agents de Sécurité de Proximité (ASP) en leur donnant des mandats supplémentaires comme ceux de la police. Surtout en termes de proximité, les ASP pourraient circuler tranquillement et être vigilants face à certaines choses. On peut leur donner des numéros avec lesquels ils vont joindre la police en cas de problème. On peut également renforcer les « badienou goxx » et pourquoi pas des « nidiayou goxx » ainsi, les gens seront beaucoup plus informés et feront plus attention sur la question de la sécurité. C’est regrettable qu’il y ait ce genre d’incident horrible dans un pays connu pour sa tranquillité et son harmonie. Cependant, quand il y a des petits enfants, des jeunes tués, il faut interroger la responsabilité parentale et aussi celle de l’Etat.
Êtes-vous favorable à la peine de mort ?
La charia a inscrit dans ses sanctions pénales la peine de mort et c’est très encadré donc je ne pourrais pas être contre. Maintenant, je ne suis pas favorable à l’application de la peine de mort en Etat parce que les conditions ne sont pas réunies pour qu’elle soit appliquée correctement par rapport à ce que la charia a dit. D’abord, pour appliquer cette peine, il faut avoir des magistrats formés pour ça, il faut des enquêtes transparentes, il faut un pouvoir judiciaire indépendant.
“Dans la situation actuelle du Sénégal, le risque d’une instrumentalisation de la peine de mort du point de vue politique et même sous la pression de certains groupes sociaaux est très présent”
Et malheureusement ces conditions font défaut. Dans la situation actuelle du Sénégal, le risque d’une instrumentalisation de la peine de mort du point de vue politique et même sous la pression de certains groupes sociaaux est très présent. En vertu de cela, ce serait injuste d’appliquer la peine de mort aux gens qui n’ont pas un groupe social puissant derrière eux. Par exemple : Barthélémy Dias, s’il n’avait pas cette masse avec lui, pouvait-il s’en sortir si facilement dans l’affaire Ndiaga Diouf ?
Je rappelle que la peine de mort a été appliquée plus ou moins deux fois au Sénégal du temps de Senghor et dans les deux fois il y avait de la politique derrière. Donc pour des questions de justice, je ne suis pas favorable à la peine de mort.
Un scandale dénommé “Dubaï Porta Potty” défraie la chronique. Des Sénégalaises seraient impliquées dans cette histoire qui mêle prostiution, sexe et scatologie. De quoi cette affaire est-elle le nom d’après vous ?
Toutes les influenceuses impliquées disent que c’est faux. Alors comment peut-on juger à partir de ces choses-là. C’est vrai qu’il faut condamner toutes ces formes de bestialité, mais il n’y a rien de neuf sous le soleil. Ce sont des choses que nous voyons presque tous les jours. Des choses beaucoup plus graves se passent au Sénégal: les soirées privées, les scandales de vidéos pornographiques de jeunes mineurs et femmes mariés, celles d’hommes politiques.
“Les personnes qui consentent à ces pratiques, c’est leur problème et leur choix”
Il y a une filière de la prostitution mondiale y compris à Dubaï. Au Sénégal les gens se prostituent et c’est légal. Même les féministes ne combattent pas cette pratique, mais parlent de consentement. Donc toutes ces choses-là : scatologie, uriner sur la bouche, ce sont des pratiques sexuelles. Si la personne le fait de sa propre volonté, c’est son problème. Les gens sont capables de faire ce qu’ils veulent et si vraiment elles ont été contraintes, elles n’ont qu’à aller porter plainte.
Néanmoins, puisque des Sénégalais sont impliqués, le Président n’a qu’à diligenter une enquête au niveau du consulat ou de l’ambassade de Dubaï pour lui demander de faire la lumière sur cette affaire, et que l’opinion publique soit informée. Je suis contre toutes ces pratiques sataniques, bestiales, la prostitution. Cependant, les personnes qui consentent à cette pratique, c’est leur problèmes et leur choix.
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