Epidémiologiste, Directeur de recherche à l’Ird (Institut de recherche pour le développement) de Dakar et chef d’équipe à l’Institut hospitalo-universitaire (Ihu) de Marseille, Dr Cheikh Sokhna appelle à la vigilance avec la découverte du nouveau variant Omicron au Sénégal. A moins de deux mois des élections locales du 23 janvier 2022, l’épidémiologiste demande d’interdire tous les rassemblements qui ne sont pas utiles pour éviter une recrudescence des cas de Covid-19 au Sénégal.
«On commence à connaître de plus en plus le variant Omicron. C’est un variant hyper muté qui a été découvert en Afrique du Sud et annoncé le 24 novembre 2021. Mais il y a un délai entre la date de prélèvement et la publication des résultats du séquençage. C’est pourquoi, quand on déclare un variant dans une zone, ce n’est même pas la peine de fermer les frontières parce que, durant tout ce temps, le virus peut sortir. C’est la même situation qui est arrivée au Sénégal, les prélèvements ont été faits depuis le 23 novembre dernier et ce n’est que le 4 décembre qu’on a publié les résultats du séquençage.
C’est pourquoi, la fermeture des frontières de certains pays européens n’était pas nécessaire parce que le virus circulait déjà en Europe. Aujourd’hui, ce sont les Sud-africains qui connaissent mieux ce variant, car il a été découvert chez eux et entièrement séquencé là-bas. Sur le plan clinique, pour le moment, les cas qui sont répertoriés en Afrique du Sud sont des patients très jeunes – entre 20 et 29 ans – et il n’y a pas beaucoup de sévérité.
Ce sont des cas légers qui ne correspondent pas au tableau clinique du Delta. C’est extrêmement bénin par rapport aux cas de Delta. Avec les cas en Afrique du Sud, c’est une maladie légère chez des personnes vaccinées et non-vaccinées. Sur le plan du virus, il y a un spécialiste français qui a travaillé sur son taux de transmissibilité. Il a trouvé que le virus classique a un taux de 2,16 alors que Delta est à 10,7, soit 5 fois plus transmissibles que le premier virus. Et l’Omicron qu’on vient de découvrir, il a un taux de transmissibilité de 9,8. C’est-à-dire que Delta est plus transmissible que l’Omicron. Et sa létalité est encore trop faible. Officiellement, on n’a pas encore vu de décès lié au variant Omicron.»
«D’abord, les autorités sanitaires doivent faire de la transparence, c’est-à-dire informer à temps les populations. C’est bien de réactiver le Comité national de gestion des épidémies (Cnge) et de tenir des réunions, mais il faut plus de communication. Il faut aussi séquencer tous les cas positifs pour voir la proportion d’Omicron et de Delta dans les contaminations. Et ces informations doivent être données à la population pour leur permettre d’avoir une idée sur le taux de pénétration de ce nouveau variant. Parce qu’il y a la panique et les gens sont inquiets, car ils n’ont pas des informations. Il faut leur donner la bonne information.
On doit aussi raccourcir les délais entre l’échantillonnage et le séquençage pour éviter la propagation rapide. On peut aussi encourager les tests de dépistage Pcr au lieu de passer par le séquençage. On peut avoir un Pcr spécifique au variant. Ce qui permet de détecter automatiquement le variant sans passer par le séquençage qui est très lourd. Il faut ensuite faire une étude de prévalence ponctuelle du variant Omicron pour savoir la vitesse de pénétration du virus. Pour ce qui est de la population, elle doit continuer à respecter les mesures barrières et surtout porter le masque dans des espaces fermés. Le virus se propage plus dans les espaces clos.»
«Il faut interdire tous les rassemblements qui ne sont pas utiles. Mais j’ai peur avec les élections locales qui arrivent, avec les meetings et autres. Il faudrait que les acteurs politiques prennent conscience de cette nouvelle donne, qu’ils respectent les mesures barrières, diminuent la durée de leurs rassemblements. Nous sommes inquiétés par les meetings, mais on ne peut pas encore savoir l’impact réel que le variant pourrait avoir sur la tenue des élections locales.
Parce qu’en Europe où on parle d’une cinquième vague, il ne s’agit pas du variant Omicron, mais c’est Delta qui leur cause problème. Si on ne fait pas attention, il peut y avoir une recrudescence des cas de Covid, car les rassemblements constituent des lieux de propagation du virus. On doit faire très attention, car les rassemblements politiques peuvent être des points de départ de la propagation du variant Omicron, mais aussi du variant Delta. Et si on compare la situation actuelle à la troisième vague où il y avait un retard dans la prise de décision et ce que cela a fait, l’activation du Cnge est une bonne chose. Et on verra, dans les semaines à venir, si les restrictions seront renforcées ou non. Mais en attendant, il faut encadrer et si ça continue, il faut limiter les activités politiques et même les interdire. Maintenant, il ne faut pas paniquer, mais il faut se préparer à toute éventualité et être prudent.»
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