VIDEO. Kara Mbodj: « La sélection me manque… j’ai envie de gagner la can »

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La dernière de sa cinquantaine de sélections remonte au match amical contre la Croatie, à la veille de de la Coupe du monde 2018 où, resté sur le banc, il n’avait finalement pas eu l’occasion de fouler la pelouse. Une éternité pour celui qui, de sa première cape, le 8 septembre 2012 à l’aventure russe, avait été un leader régulier de la Tanière, toujours prêt au combat.

Désormais départi de ses douleurs récurrentes au genou qui l’ont privé de signer en Angleterre, le voilà dans l’incertitude d’un championnat qatari loin des standards habituels du sélectionneur national, Aliou Cissé.

L’international sénégalais, qui évolue désormais à Sailiya SC, au Qatar, a fait le déplacement dans les locaux du groupe Emedia Invest, à l’immeuble Belly Bousso, sis au Point E, pour une visite de courtoisie au terme de laquelle, Kara Mbodji a accordé une interview à BNF.

L’occasion pour le défenseur central sénégalais de lever les doutes sur son état de forme, de revenir sur l’évolution de sa carrière, ses choix de s’exiler au Qatar, sa forme du moment mais également ses ambitions de réintégrer la sélection nationale, pour… aller chercher la CAN 2022 au Cameroun.

Quel est l’objet de votre visite au groupe Emedia ?

“Il y a eu une histoire à la dernière Coupe du monde, en Russie. Une personne qui a gagné mon respect. C’est monsieur Kane, Mamoudou Ibra (DG du groupe Emedia). Lors de notre match contre la Pologne, j’étais dans le bus et on était à cinquante mètres du stade et je l’ai vu, avec son sac à dos, avec le drapeau du Sénégal. Cette image m’a marqué. Et récemment quand j’ai su qu’il avait aussi écrit sur l’histoire de Nelson Mandela qui a été une icône pour le continent africain, et qui s’est aussi battu particulièrement pour l’Afrique du Sud, donc, j’ai eu l’idée de venir de visiter les locaux, de le rencontrer en personne et d’acheter des livres. Parce qu’ils vont me permettre d’améliorer mon vocabulaire et cela va aider la jeunesse qui est l’avenir. Je vais en profiter pour distribuer le livre au Lycée à Mbour pour permettre à nos jeunes frères de découvrir un peu l’histoire.”

Est-ce que cela pourrait pousser Kara Mbodj à écrire ?

“C’est possible. J’y pense. J’en ai parlé déjà avec quelqu’un. Je pense que c’est important et je lance un appel à mes coéquipiers d’y penser aussi. Parce que c’est très important de retracer notre histoire. Ça peut permettre à cette jeunesse-là qui nous suit, qui ont envie de devenir footballeurs professionnels, de défendre les couleurs du Sénégal, cela peut leur permettre d’apprendre et de savoir comment vit un professionnel. Donc c’est quelque chose à quoi je pense.”

Alors, que devient Kara Mbodj, le footballeur ?

“Je pense qu’en un moment donné, dans la vie de chacun, on a besoin de faire des choix, de s’éloigner un peu par rapport à des difficultés qu’on peut avoir. En un moment donné, j’avais une blessure et j’ai fait le choix d’aller dans un pays où je pourrai me concentrer sur ma personne, physiquement, de travailler pour revenir à mon meilleur niveau. C’est ce qui m’a poussé d’aller là-bas. Je n’ai pas regretté ce choix. C’est tout ce que je voulais, l’objectif que j’avais, de revenir à mon meilleur niveau et d’avoir quelque chose que je n’avais pas même quand j’étais en Europe, et dans la sélection. Je l’ai obtenu. Mais après, Kara Mbodj reste professionnel. Je ne suis pas allé n’importe où dans le monde. On peut bien parler des championnats, il y a une grande différence de niveau tactique, de professionnalisme, tout ça c’est vrai. Mais tout dépend de la personne, des objectifs de la personne, et du travail de la personne. J’ai toujours été quelqu’un de professionnel surtout et tout le monde sait que je suis un travailleur et que j’ai continué ce travail-là pour obtenir un niveau physique que je n’ai jamais eu dans ma carrière. Ça, c’était l’objectif.”

« J’AI UN NIVEAU PHYSIQUE QUE JE N’AI JAMAIS EU DANS MA CARRIÈRE »

À 31 ans, vous vous êtes exilé dans un championnat très peu médiatisé… N’est-ce pas la voie ouverte pour se faire oublier ?

“J’étais dans une période, dans ma carrière, où j’avais besoin d’aller dans un pays qui me permettrait de me concentrer sur moi, et de me faire oublier. C’est un choix que peut-être certains pensent que c’est à cause de l’argent. Parce que ces pays-là paient beaucoup plus. Mais non. C’est moi qui ai voulu être dans un pays pour me faire oublier et me concentrer. Parce que j’avais un travail physique à faire sur ma personne. Je me suis fixé un objectif. J’ai joué en sélection pendant sept années durant lesquelles j’ai trainé une blessure. J’ai fait deux CAN avec cette blessure. Tout le monde le savait, en un moment donné. Cette blessure-là m’a empêché de signer avec des clubs anglais. En un moment donné, j’ai dit non. Cela ne peut pas continuer comme ça. « Il va falloir que tu prennes une décision ». Je l’ai prise. Aujourd’hui, je vous dis que physiquement je suis meilleur qu’au moment où j’étais en sélection, avec toutes les performances que j’ai faites en sélection, qui m’ont données l’image que j’ai dans ce pays. J’ai un physique meilleur.”

Qu’est-ce qui vous fait croire que vous vous sentez mieux physiquement ?

“C’est simple : à partir de 2017 jusqu’à 2018-2019, j’ai joué beaucoup de matchs avec la sélection et Anderlecht. A Anderlecht, j’ai été champion avec un genou à 50%. Cela veut dire que je n’arrivais pas physiquement, à faire le travail que je devais faire pour avoir le physique que je voulais. Donc, j’ai pris ce risque, je l’ai fait. Et aujourd’hui si je dis que j’ai un physique meilleur, c’est parce que la saison que j’ai faite l’a démontré : gagner un titre dans un club modeste, dans le championnat qatari. Parce que là-bas, les deux, trois grands clubs, c’est Al Sadd, Al Duhail, Al Rayyan. Baghdad Bounedjah joue en championnat du Qatar, Al-Sadd. Yacid Brahimi (Al-Rayyan) aussi, qui est l’un des meilleurs joueurs africains. Il l’a montré partout, il joue là-bas. Je peux en citer d’autres qui jouent dans ce championnat-là. Juste pour vous dire que ce n’est pas comme la France, l’Allemagne, l’Angleterre, la Belgique mais ça reste quand même un championnat où moi, en tant que professionnel, je ne suis pas parti là-bas, pour me dire, c’est fini, tu prends ton argent, j’ai exigences aujourd’hui. Si je vous dis que j’ai envie de gagner la Coupe d’Afrique pour le Sénégal, ce n’est pas que des paroles. Il y a un travail très dur que je fais derrière pour la saison. J’ai beaucoup investi sur mon corps, j’ai deux coachs personnels, je fais déplacer des personnes passer une semaine avec moi, de travailler. Je travaille deux fois par jour, pendant neuf mois. Donc, notre club a gagné deux coupes en deux mois. On n’a jamais gagné de trophée. Mais comme on le dit, quand on regarde mes matchs de maintenant, physiquement, on voit que je suis beaucoup plus mobile, je vais plus vite. Je me rappelle des matchs que j’ai joués avec l’expérience, je m’en tirais bien avec un bon positionnement mais je n’étais pas moi-même.”

Comment va le genou ?

“Tout le monde en parle, pense toujours au genou, et cela fait cinq ans. C’est derrière moi. Aujourd’hui, j’ai un genou meilleur. Je vous dis que physiquement, je suis devenu meilleur qu’avant. Il faut juste s’arrêter et faire la différence. En 2015, à la CAN, Kara Mbodj a été le meilleur Sénégalais. En 2017 aussi, pareil. Alors que je n’étais pas à 100%. Les gens qui étaient autour de moi, en sélection, le savaient. Notre match de qualification contre le Cap-Vert, j’ai joué sur une pelouse synthétique avec un genou gonflé. Mais Alhamdoulilah, tout ça est derrière moi. Maintenant, je suis devenu meilleur et je continue le travail. J’ai des objectifs et croyez-moi, je vais les atteindre.”

« EN 2019, ON L’A RATÉE DE PEU… AVEC KARA MBODJI, ON VA GAGNER LA CAN 2022 »

Certains joueurs, comme le Brésilien Paulinho ou le Belge Witsel, ont réussi à faire un aller-retour entre les championnats asiatiques et européens. Pensez-vous que cela soit dans vos cordes ?

“L’exemple de ces joueurs-là est simple. C’est-à-dire que, dans ces championnats-là, quand tu es talentueux, si tu décides de partir là-bas, les gens ont peur que tu partes et que tu te relâches. Alors que ce n’est pas mon cas. Parce que je travaille beaucoup plus qu’avant. Aujourd’hui, comme on dit, je suis un combattant, je suis un footballeur. J’aime gagner, j’aime les challenges. Aujourd’hui, je suis prêt à retourner s’il y a un club qui me présente une offre intéressante et si Dieu le décide aussi.”

La sélection vous manque-t-elle ?

“C’est normal que la sélection me manque parce que j’aime mon pays et aujourd’hui, je fais partie des personnes qui croient que le Sénégal va gagner la coupe d’Afrique 2022.”

Et vous avez envie que l’histoire entre Kara Mbodj et la sélection se termine sur une note meilleure que celle de votre dernière sélection…

“Je suis Sénégalais, le Sénégal est tout pour moi et comme vous venez de le dire, c’est normal je suis un compétiteur. Pour quelqu’un qui aime son pays, la sélection me manque et çà je pense que c’est normal. Moi, je suis dans mon coin, je travaille, on verra ce qui va se passer.”

« ABDOU DIALLO AURAIT PU CHOISIR LA FRANCE, IL A PRÉFÉRÉ LE SÉNÉGAL… »

Vous dîtes que vous croyez ardemment que le Sénégal va gagner la Can 2022. Qu’est-ce qui vous fait croire cela ?

“C’est parce que tout simplement, aujourd’hui, d’abord, le Sénégal a les joueurs, deuxièmement, on l’a raté de peu et troisièmement, je pense qu’avec Kara Mbodj, le Sénégal va gagner la Can.”

Pensez-vous qu’il manque un Kara Mbodj à cette sélection ?

“Je ne sais pas, mais ce qui est sûr et certain, c’est qu’un Kara Mbodj dans la sélection c’est forcément un plus.”

Quel regard portez-vous sur les nouvelles arrivées dans la Tanière, notamment en défense, avec les renforts d’Abdou Diallo du PSG ou de Fodé Ballo Touré de Monaco ?

“J’ai beaucoup apprécié ces renforts. Abdou Diallo aurait pu choisir la France mais il a choisi le Sénégal, c’est un patriote. Le Sénégal a besoin des meilleurs joueurs, il est Sénégalais, il a fait ce choix et j’ai beaucoup apprécié ce choix. C’est comme ça, c’est une génération. Dans quelques années cette génération va partir et d’autres vont venir. Dans une sélection, il y a toujours de la concurrence, c’est partout comme ça.”

« UN KARA MBODJI EN SÉLECTION, C’EST FORCÉMENT UN PLUS »

Lors du dernier regroupement des Lions, le sélectionneur a remarqué les difficultés de son équipe dans le jeu de tête, notamment sur les balles arrêtées. On marque moins, on en encaisse de plus en plus… C’était pourtant l’une de vos forces. Est-ce liée à votre absence ?

“Ça dépend… Il appartient aux uns et aux autres de faire leur analyse, de dire c’est peut-être l’absence de Kara Mbodj. Moi je pense qu’ils doivent continuer à travailler parce que dans une équipe il y a tout le temps des points où l’équipe est forte d’autres où l’équipe est faible donc avec le travail, je pense qu’ils peuvent réussir à régler ce problème.”

Le coach a également revu sa position pour les joueurs évoluant dans des championnats asiatiques, en vous citant avec Pape Alioune Ndiaye. Est-ce qu’il y a des contacts avec lui, pour un retour en sélection ?

“Ce qui me concerne moi, c’est ma personne, le travail. Le Kara Mbodj qu’on a connu hier, ce Kara Mbodj est bien meilleur que celui qu’on a connu hier. C’est simple, je suis concentré sur ma personne, je fais le taf et on verra ce qui va se passer.”

Pour un footballeur musulman, ça fait quel effet d’évoluer dans un pays comme le Qatar ?

“Qatar c’est un pays magnifique, c’est un pays musulman et en tant que musulman, je pense qu’on ne peut avoir mieux que de vivre dans un pays musulman. Je ne me suis pas levé du jour au lendemain et décidé d’y aller. J’ai bien réfléchi à ce choix et je savais comment est le pays, je savais que je pouvais y avoir de la tranquillité, je savais qu’en tant que musulman je pouvais pratiquer ma religion calmement et je savais que je pouvais travailler, me concentrer sur moi pour avoir le physique que j’avais et cela a motivé le choix que j’ai fait et aujourd’hui, franchement je ne le regrette pas.”

En 2019, le Sénégal a raté la CAN à la dernière marche. Cette fois-ci, sur quoi faudrait-il faire focus pour la remporter ?

Je vais parler de ce qui concerne l’aspect sportif, les joueurs, les entraînements, les matchs. Il va falloir beaucoup plus de caractère et si on parle d’équipe, on a une bonne équipe, l’un des meilleurs joueurs africains au monde aujourd’hui, beaucoup plus de caractère et de prendre leurs responsabilités, c’est ce qu’il faut. Quand je parle du caractère, et de prise de responsabilités c’est que dans la vie, on prend des responsabilités. Ça peut marcher dès fois comme ça peut ne pas marcher mais on doit les assumer, apprendre avec et avancer. Moi je pense que c’est ce qui manque à cette sélection et avoir beaucoup plus de caractère et de se fixer cet objectif ; ça veut dire, qu’il est temps qu’on gagne cette coupe d’Afrique et cela il ne faut pas juste le dire sur le terrain, il faut que tout le monde donne le meilleur de soi. Je pense que c’est ça, après on peut tout dire mais l’équipe l’a raté de peu, la dernière Can.

Est-ce que vous avez encore des regrets dans votre carrière ?

Malgré les qualités que j’ai, que tout le monde reconnait, malgré les belles saisons que j’ai fait à (…), à (…), cette saison que je viens de faire, malgré les offres que j’ai eu des différents clubs anglais qui m’ont déplacé, je suis partie là-bas faire des visites médicales. Ça veut dire que ce n’est pas le talent qui manquait. Quand un club anglais te déplace, quand un coach dit à ses dirigeants « faites le signer, c’est son style de jeu que je veux », si je n’ai pas signé c’est parce qu’à un moment donné, j’avais un problème et ce problème-là est derrière moi, je n’ai pas de regret du tout. J’ai un destin, je suis content avec ce que Dieu m’a donné et aujourd’hui je continue à travailler.

Quels sont les projets personnels de Kara Mbodj en dehors du football ?

“Moi je suis ambitieux. Tout le monde pense qu’avec l’âge que j’ai, 31 ans, je prépare la fin, non. Moi je suis en train de me tuer tous les jours pour aller plus loin et j’y crois.”

Donc, on se donne rendez-vous au Cameroun ?

“In Sha Allah !”

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